Abdou Elimam, neurolinguiste: «Il faut officialiser la Daridja»
Le neurolinguiste Abdou Elimam plaide pour la constitutionnalisation du parler algérien, appelé communément la « Daridja » et sa consécration comme langue nationale et officielle, comme c’est le cas pour Tamazight.
Dans une interview accordée au site Algériecultures.com, l’auteur du livre intitulé Après Tamazight, la Daridja explique, en effet, pourquoi il faut rattraper, sur le plan juridique, cette injustice subie par une langue maternelle qu’il appelle le « Maghribi ».
Selon lui, si le juriste algérien a résolu la question de Tamazight en le consacrant comme langue nationale et officielle, il reste encore à le faire pour la Daridja qui aussi une langue à part entière.
« La Daridja n’est pas un dialecte de l’arabe ; elle est une langue à part entière qui tire ses origines du punique qui cohabite avec le berbère en Afrique du Nord depuis au moins 3000 ans. Le déni linguistique atteint les neurones des locuteurs. Ne pas reconnaître la Daridja est une atteinte grave à l’intégrité de la personne », souligne-t-il.
Et d’ajouter: « Certes, dans le monde arabe, on se console en se disant que la langue de substitution, c’est la langue du Coran. Mais cela ne change rien à la nature : l’organe du langage se révèle avec la langue native et non pas avec celles qui viendraient par la suite. Il y a donc bien inhibition de fonctions cognitives décisives ».
Selon lui, les langues qui portent et accompagnent des communautés pendant des siècles, comme c’est le cas pour les langues libyque et punique, « finissent par symboliser ces mêmes communautés de locuteurs ». « Ces langues anciennes qui ont toujours cohabité pacifiquement ont fini par se présenter, de nos jours, sous les labels de tamazight, d’un côté ; et du Maghribi (Daridja), de l’autre. En conséquence, il revient à l’institution étatique de préserver ces produits de l’histoire socioculturelle de notre espace géographique. Tamazight a déjà passé le cap de la protection juridique étatique, la Daridja est toujours en liste d’attente », rappelle-t-il.
Abdou Elimam plaide ainsi pour la mise des « pendules de notre histoire à l’heure, en appelant, tous ensemble, à la constitutionnalisation de la Daridja », précisant au passage que la diversité de ses variantes en Algérie et en Afrique du Nord ne constitue pas un problème.
Boualem Rabah