APN-Gouvernement : jeu de rôles, contradictions et interrogations
Ainsi, comme il fallait s’y attendre et en attendant un scénario similaire au Conseil de la nation, le plan d’action du gouvernement est passé comme une lettre à la poste à l’APN, à l’issue de trois jours de circonvolutions théâtrales qui tiennent davantage du jeu de rôles que de joutes politiques à proprement parler.
Les députés de la majorité, principalement ceux du FLN et du RND et accessoirement ceux de TAJ et du MPA, reliquat encombrant du système Bouteflika, sont montés au créneau, l’air sérieux et feignant d’ignorer que le peuple algérien qu’ils sont censés représenter les a irrémédiablement rejetés et condamnés.
Par moments et pour certains d’entre eux, ils n’ont pas hésité à formuler de vives critiques à l’encontre de la copie présentée par le Premier ministre, en particulier en matière de sources de financement des projets annoncés. Mais, invariablement, les interventions se terminaient sur une déclaration de loyauté et de soutien sans faille au nouveau président de la République et à son gouvernement.
Le message des députés est on ne pleut plus cynique et on ne peut plus clair. En substance, ils disent ceci à l’Exécutif : « Nous avons des raisons de rejeter votre plan d’action et nous en avons les moyens. Mais nous n’en ferons rien car notre place est dans le sillage du pouvoir et dans ses bonnes grâces ».
Le spectacle hilarant offert par le chef du groupe parlementaire du RND, deuxième plus grand parti après le FLN selon les canons de représentativité du régime Bouteflika, alors qu’il se présentait devant le pupitre de de l’hémicycle, résume à lui seul tout le sérieux qui caractérise l’auguste assemblée et le crédit dont jouit sa composante.
Par trois fois, après les salutations à rallonges qu’affectionnent les députés, il échoua à mettre de l’ordre dans les feuillets où était imprimé le discours qu’il devait ânonner. De guerre lasse, il reconnut son incapacité à classer ses feuilles dans le bon ordre et renonça tout simplement à ce qui devait être sa plaidoirie.
De toutes façons, dira-t-il en substance, à peine gêné par le ridicule de sa situation, cela n’a aucune espèce d’importance. “Ce que je voulais dire, c’est simplement que les responsables et les militants du RND sont plus que jamais déterminés à soutenir le président de la République et à œuvrer à la concrétisation et au succès de son programme”, conclura-t-il avant de rendre le micro.
Lorsqu’on sait que le RND avait son propre candidat à l’élection présidentielle et que Abdelmadjid Tebboune était son principal adversaire et sa cible préférée pendant ce qui a fait office de campagne électorale, cette attitude est la meilleure qui soit pour expliquer ce que le mot « invertébré » veut dire.
Ainsi, au final, le plan d’action du gouvernement a été quasiment plébiscité par les députés de la majorité qui ont ainsi donné leur approbation à de nombreuses dispositions alors qu’il y a peu de temps, ils bénissaient bruyamment des dispositions contraires dans cette même enceinte.
Cette situation pour le moins biscornue résume à elle seule l’ampleur des contradictions avec lesquelles est réduit à composer le nouveau locataire du Palais d’El Mouradia. D’un côté, et rien ne permet de douter de sa sincérité, il affirme œuvrer à la satisfaction des aspirations du peuple algérien à l’avènement d’une Algérie nouvelle en rupture avec les régimes qui se sont succédés depuis l’indépendance du pays et, de l’autre, il est réduit à rechercher le quitus, voire le soutien, des restes putrides légués par un système que le peuple a condamné et qu’il travaille à balayer définitivement à travers une mobilisation sans faille depuis un an.
Aussi, une interrogation s’impose à l’esprit : cette position est-elle tenable ? Et si oui, pour combien de temps encore ?
M.A. Boumendil