«AZN’AMOUR, l’enchanteur» : «Après ma mort, je reviendrai» Par Rachid Oulebsir
Nous avons tous en nous un peu d’Aznavour, un peu de ses mots de Bohème, avec lesquels nous éclairions notre nuit, nous meublions nos absences, nous affrontions l’absurde de l’adversité inattendue. Avec ses paroles nous sommes nés, et avec sa musique nous avons grandi. Nous partagions comme un viatique de bonheur la mélancolie, la nostalgie qui émanait de sa voix. Avec lui c’était l’évasion. Sans bouger, nous prenions le large, nous partions au loin, vers un monde meilleur, une planète sans soucis, un univers bleu où le rêve salvateur devient réalité. Il était de ces êtres qui nous remplissaient la vie d’une féconde solitude.
«Une grande perte pour le monde entier»
C’était à ses mots de poète angélique qui fleurent le voyage, que nous confions nos détresses, quand le cœur est à marée basse, quand on ne peut ni rire ni pleurer. Sa mort nous cause cet insupportable chagrin des départs, ce sentiment d’abandon sur le quai d’une gare, cette impuissance qui nous dévore l’âme quand nous perdons un être cher, un être irremplaçable. Adieu l’artiste ! Merci de nous avoir tenu compagnie, de nous avoir bercés de votre voix inimitable. De nous avoir confié les belles vibrations de votre âme et les battements musicaux de votre cœur. Le monde entier vous applaudit.
La mort de Charles Aznavour est une “perte énorme pour le monde entier”, a déclaré le Premier ministre arménien Nikol Pachinian, rendant hommage à “un fils exceptionnel du peuple arménien”.
Il est entré dans la légende de son vivant. Aujourd’hui, il ouvre la porte de l’éternité. Et comme il le dit si bien: « Après ma mort, je reviendrai » ! Oui mais êtes vous jamais parti ? Non vous serez avec nous encore et encore, nous partirons et vous serez encore là, avec nos enfants et sans doute aussi avec nos arrières petits enfants. « Vous serez toujours là, Charles l’eternel ». Vous serez encore avec nous comme à vingt ans :
« Hier encore, j’avais vingt ans,
Je caressais le temps
J’ai joué de la vie
Comme on joue de l’amour et je vivais la nuit
Sans compter sur mes jours
qui fuyaient dans le temps… »
Pour beaucoup d’artistes, « Vous étiez un père, un conseiller, un grand frère ». « Il est le plus grand auteur de la chanson française », nous dit de vous Michel Sardou ! Pour toutes celles et tous ceux qui vous ont connu : « Il est impossible d’isoler un seul souvenir, tant vous avez partagé de rires, de joies, de peines, et de chansons », comme le résume Line Renault .
Après ce départ inattendu, l’humoriste Stéphane de Groodt lui fera un reproche comme s’il était devant lui: « Charles, votre unique fausse note est de ce jour. Vous avez porté à la musique, l’amour comme personne et la vie comme tout le monde. Monsieur “Aznamour”, vous n’étiez pas chanteur, mais un véritable enchanteur. Merci pour ceci et pour cela ».
« Ses chansons sont des beautés éternelles »
« Il était si immense qu’il laissera un grand vide », s’accordent à dire tous ceux qui l’ont côtoyé ou simplement approché. Le monde entier lui rend hommage, s’incline devant son œuvre titanesque, se remémore son parcours exceptionnel, célèbre son attachement à ce que l’humanité a de meilleur, rappelle avec un profond respect ce que cet homme venu de loin a apporté à la chanson française, mais aussi au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Nana Mouskouri célèbre un “grand frère et un maître” et ses chansons qui sont des “beautés éternelles”. “Charles ne nous quittera jamais, il est parti par-delà le ciel retrouver d’autres étoiles, tant d’amis avec qui vivre sa Bohème et prolonger sa jeunesse”, déclare la chanteuse grecque, qui précise : “Où qu’il soit, il restera cet ami parfait, et où que je sois je le suivrai, le chanterai avec la plus grande humilité et l’amour le plus profond.
Youri Djorkaeff, l’autre icône de l’Arménie s’est senti orphelin, il posta sur Twitter une photo de Charles dans sa jeunesse, tandis que de nombreux artistes retiennent sa voix exceptionnelle à l’instar de Bernard Lavilliers qui dit: « Ce que j’aimais chez lui, c’était sa voix, qui me faisait un drôle d’effet. Elle avait quelque chose du voyage. Sûrement du fait que ses parents sont arrivés en France apatrides […].
La nostalgie, la mélancolie qui sortait de sa voix me touchaient toujours. C’était un “chanteur-migrant”, c’est pour cette raison qu’il voyageait autant.” “Il restera pour moi cet éternel jeune homme, ce chanteur, acteur aux mille talents, aux innombrables succès (…) Toujours enthousiaste et joyeux. C’était un gourmand de la vie”, a réagi sur Twitter l’ancien ministre français de la Culture, Jack Lang.
Il a chanté en kabyle avec Idir
Charles Aznavour a chanté en Kabyle « Ḥku yid ɣef Zzman asmi vedden waman… » . « Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne pouvaient pas connaitre ». Idir dira, Charles Aznavour prononçait les mots kabyles comme un enfant du Djurdjura. Il pinaillait pour aller au fond du mot et le comprendre. Il m’a ému et donné des frissons », ajoutant: « C’est un astre , il brille comme le soleil ».
Il avait une plume mordante, incisive. Une de ses dernières chansons porte l’un de ses messages d’une subversion paradoxalement pédagogique :
« Ecrire, rêver, chercher, apprendre
N’avoir que l’écriture et pour maître et pour Dieu
Tendre à la perfection et s’en crever les yeux
Choquer l’ordre établi, pour imposer ses vues
Pourfendre.
Choisir, saisir, comprendre
Remettre son travail cent fois sur le métier
Salir la toile vierge et pour mieux la souiller
Faire hurler sans pudeur tous les espaces nus
Surprendre
Aznavourian , un patrimoine pour l’humanité
Shahnourh Varinag Aznavourian nous a encore surpris par son départ imprévu. Sa mort nous bouleverse. Nous le croyions immortel, comme sa poésie, sa mélodie. Son œuvre sera classée sans aucun doute dans le patrimoine de l’humanité. C’est un des trésors du monde. Entré de son vivant dans la légende, sa gentillesse et sa simplicité ont fait de lui le fils de l’humanité. Nous sommes de ces générations qu’il a émues, cultivées, et élevées au faîte de la poésie. Nous lui devons une part de notre sensibilité, les ressorts de notre témérité.
“Il est difficile de croire qu’une personne qui a créé toute une époque, qui a créé tout une histoire, l’amour, qui a servi son peuple, une personne qui a pendant quatre-vingts ans émerveillé et réchauffé le cœur de dizaines, de centaines de millions de gens, n’est plus avec nous aujourd’hui“, a indiqué Nikol Pachinian le premier ministre arménien sur Facebook.
À Erevan, capitale de l’Arménie, depuis l’annonce de sa mort, des personnes apportent en hommage des fleurs et des bougies sur la place « Charles Aznavour Square » autour de l’étoile portant le nom du chanteur décédé.