Condamnation du journaliste Khaled Drareni: indignation et appels à sa libération
La condamnation hier du journaliste Khaled Drareni à la lourde peine de trois ans de prison ferme a suscité un tsunami d’indignation tant en Algérie que dans le monde. Des journalistes, des syndicats de la corporation, des avocats, des hommes politiques et des ONG continuent, depuis l’annonce du verdict, d’exprimer leur réprobation.
Quelques heures seulement après la condamnation de leur confrère, des journalistes ont lancé une pétition, déjà signée par plus de 4000 personnes, pour exiger sa libération inconditionnelle. Sous le choc, les professionnels de la presse dénoncent « un acharnement diffamatoire contre le journaliste qui a débouché́ sur la prononciation de la peine de prison la plus lourde contre un journaliste pour son travail depuis l’indépendance. La place de Khaled Drareni n’est pas en prison. Nous signataires de cette pétition exigeons sa libération immédiate », précisent les initiateurs de cette pétition.
Le Syndicat national des jounalistes (SNJ) et le Syndicat algérien des journalistes (SAJ-non aggréé) ont également exprimé, dans des communiqués rendus publics lundi soir, leur indignation face à cette condamnation. « A travers cette affaire, le pouvoir vient d’inverser lui-même les éléments de sa propre thèse consistant à plaider pour un traitement équitable, et une application, indistinctement de toute autre considération, de la loi sur tous », écrit le SNJ, réclamant, au passage, « la mise en liberté de notre confrère Khaled Drareni ».
RSF : «Une condamnation absurde et extrêmement violente »
Pour sa part, le SAJ qualifie cette sentence de « provocation qui pousse une corporation déjà mal lotie à se cabrer ». Plusieurs avocats de la défense, dont Zoubida Assoul, Noureddine Benissad, président de la LADDH, Abdelghani Badi, ne sont pas également restés de marbre face à cette « grave dérive judiciaire ».
Des hommes politiques ont également réagi, dénonçant des « accusations infondées contre le journaliste ». Dans un post publié ce matin sur sa page Facebook, l’ancien diplomate, Abdelaziz Rahabi n’est pas allé par le dos de la cuillère pour condamner les atteintes aux libertés. « La condamnation d’activistes politiques du Hirak ou d’autres acteurs de la société civile à des peines de privation de liberté est une mesure d’un autre âge et d’un autre monde », affirme-t-il. Et d’ajouter : « Elle n’est ni acceptable de nos jours, ni souhaitable dans la perspective de recherche d’une sortie de crise pacifique et consensuelle à la crise multiple que traverse notre pays ».
Selon M. Rahabi, « la justice n’arrive pas encore à s’affranchir des pesanteurs de l’ancien système pour mettre en place une justice véritablement indépendante et garante de l’Etat de droit sans lequel aucune transition démocratique n’est possible».
Même réaction du côté du président du RCD, Mohcine Belabbas, qui s’élève contre « l’instrumentalisation de la justice ». « (…) La répression politique par l’instrumentalisation de la justice et des magistrats a atteint le summum de l’intolérable et de l’entendement avec la condamnation du journaliste Khaled Drareni à trois années de prison ferme pour des accusations farfelues», écrit-il sur sa page Facebook.
Le collectif de la société civile pour une transition démocratique et pacifique exprime également « avec force sa consternation et sa révolte face à cette décision qui bafoue les règles et les principes les plus élémentaires d’un Etat de droit ».
« L’injustice qui frappe Khaled Drareni est là pour nous rappeler, si besoin était, que le Hirak, le mouvement citoyen est plus que jamais nécessaire pour qu’émerge enfin en Algérie un Etat de droit et une démocratie », précise le collectif dans un communiqué rendu public, aujourd’hui.
Réagissant à cette nouvelle, le secrétaire général de l’ONG, Reporters sans frontières (RSF), Christophe Deloire qualifie la condamnation du journaliste « d’arbitraire, d’absurde et d’extrêmement violente ».
A noter également que des dizaines de journaux internationaux ont consacré de vastes espaces dans leurs colonnes à cette affaire, exprimant leur profonde indignation et leur préoccupation quant aux conditions d’exercice du métier de journaliste en Algérie.
Boualem Rabah