Coronavirus: “Le monde ne sera plus comme avant”, selon Henry Kissinger
Ancien secrétaire d’Etat américain, Prix Nobel de la paix controversé, membre du très influent groupe Bilderberg, Henry Kissinger s’est dit inquiet des répercussions du Covid-19 sur l’ordre mondial et a pointé ce qu’il a qualifié d’«anachronisme, faisant renaître la ville fortifiée».
Ce faisant, il confirme, tout en le déplorant, ce que beaucoup pensaient déjà : la pandémie du nouveau coronavirus est en train d’enterrer l’ordre mondial fondé sur le néolibéralisme et la globalisation.
Analysant les possibles conséquences de la crise du Covid-19, l’ancien Secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger a estimé, dans une contribution publiée par le Wall Street journal, que la pandémie de coronavirus modifierait «à jamais l’ordre mondial».
«La réalité est qu’après le coronavirus, le monde ne sera jamais plus comme avant», a-t-il estimé, se désolant de ce que «la pandémie a donné lieu à un anachronisme, faisant renaître la ville fortifiée à une époque où la prospérité dépend des échanges mondiaux et de la libre circulation des individus».
Pour le diplomate le plus puissant et le plus célèbre de son époque, «pas même les Etats-Unis», ne peuvent vaincre le virus sur «la base d’un effort purement national».
Outre la préoccupante urgence sanitaire actuelle, les dirigeants doivent travailler à la mise en place «d’une initiative parallèle pour assurer la transition vers le nouvel ordre de l’après-coronavirus», a-t-il affirmé, appelant comme de bien entendu à «préserver les principes de l’ordre libéral international».
«Les démocraties dans le monde doivent défendre et préserver les valeurs qu’elles ont héritées des Lumières», estime l’ancien diplomate, qui se dit convaincu que «leur échec pourrait consumer le monde».
Comme tous les promoteurs, et généralement premiers bénéficiaires de l’ordre mondial établi, Henry Kissinger a raison de s’inquiéter de l’impact de la pandémie du Covid-19 sur le système de la mondialisation dont la pandémie montre à la fois l’iniquité et les limites.
« Le capitalisme néolibéral tué par le Covid-19 » : voilà, en effet, une affirmation qui ne vient pas de la gauche altermondialiste, mais de Patrick Artus, le très libéral chef économiste de la banque d’investissement Natixis, dans une analyse économique qu’il a publiée le 30 mars dernier.
Vers l’effondrement de la mondialisation
Dans ce document de six pages traduit de l’anglais, il explique que la crise sanitaire actuelle va saper les trois principaux piliers du capitalisme néolibéral tel que nous le connaissons. L’économiste prédit l’effondrement de la globalisation, la fin des délocalisations à marche forcée, et un retour en force de la dépense publique.
Le Covid-19 a déjà commencé à malmener ces fondamentaux du modèle économique dominant, constate ainsi Patrick Artus. Les investissements directs en Chine reculent, ils stagnent en direction des autres pays émergents et le commerce mondial tourne au ralenti. Ce sont des signes d’un début de « déglobalisation ».
Les États ont pris conscience de la nécessité de revenir à une « politique industrielle qui implique (de) produire nationalement un certain nombre de produits stratégiques, comme les médicaments, des équipements télécom et du matériel pour le développement des énergies renouvelables », relève l’analyste.
Le président français Emmanuel Macron n’avait pas dit autre chose dans son discours du 16 mars en qualifiant de « folie » le fait de « déléguer » son alimentation ou sa capacité à soigner à d’autres pays.
En réalité, Patrick Artus n’annonce pas le démantèlement du modèle économique actuel, mais prévoit, en conclusion de sa thèse, « la fin de cette forme de capitalisme ».
En d’autres termes, le Covid-19 pourrait devenir le détonateur d’un processus de correction du néolibéralisme qui le débarrasserait de ses excès, selon certains économistes.
Ainsi, « il peut y avoir un interventionnisme intelligent avec une petite dose de protectionnisme et une régulation ciblée des marchés sans pour autant remettre à plat tout le modèle économique », affirme Pascal de Lima, spécialiste de prospective économique.
M.A. Boumendil