Coronavirus : les USA et la Chine en route vers la guerre froide ?
Sur fond de polémique et d’accusations mutuelles entre les Etats-Unis et la Chine sur l’origine du virus Covid-19 et la manière de le combattre, Washington a fait le choix cornélien de risquer des milliers de vies américaines pour tenter de sauver l’économie. Pékin, lui, affirme avoir maîtrisé la pandémie et développe une « diplomatie du coronavirus » en volant au secours de nombreux pays dans le monde. La guerre commerciale entre les deux superpuissances s’est transformée en guerre d’image et de leadership. Débouchera-t-elle, comme d’aucuns le prédisent, sur une nouvelle guerre froide aux conséquences imprévisibles sur le reste du monde ?
La polémique a commencé avec une première salve venue de Washington, d’où le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo, s’exprimant sur la pandémie mondiale et le coronavirus Covid-19 qui en est responsable, at parlé la semaine dernière de « virus de Wuhan », provoquant l’ire des autorités chinoises.
Aussitôt après, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a laissé entendre, à travers un tweet qui n’est pas passé inaperçu, que l’armée américaine aurait introduit le virus à Wuhan, la ville chinoise où l’épidémie a pris naissance.
Vendredi, l’ambassadeur chinois à Washington a été convoqué pour s’en expliquer et Mike Pompeo a accusé, lundi, la Chine de « semer la désinformation et des rumeurs abracadabrantes » sur l’origine du coronavirus.
Le responsable américain s’est même entretenu au téléphone avec le plus haut responsable du Parti communiste chinois pour la politique étrangère pour lui faire part « des fortes objections américaines » face à l’offensive de de Pékin pour « faire porter le chapeau aux États-Unis pour le Covid-19 ».
Yang Jiechi, l’auteur du tweet de la discorde, a répliqué de son côté en adressant « un ferme avertissement aux Etats-Unis », prévenant que « toute tentative de salir la Chine était vouée à l’échec », donnant l’impression que la polémique n’est pas prête de s’estomper.
La guerre des mots
En réalité, depuis le début de la propagation de l’épidémie en dehors des frontières chinoises, les deux puissances rivales n’ont cessé de se provoquer, pour atteindre une certaine tension avec l’interdiction précose de l’entrée aux Etats-Unis des personnes en provenance de Chine, décidée par le gouvernement américain.
Alors que la guerre commerciale, baptisée la « guerre des taxes » a longtemps rythmé les relations entre Washington et Pékin depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche et au moment où le monde tente de se coordonner pour faire face à la pandémie, on voit bien que l’union sacrée mondiale ne met pas fin au bras de fer entre les deux géants qui se considèrent mutuellement comme des rivaux stratégiques.
Aussi, pour accabler un peu plus la Chine et sans doute pour détourner un peu l’attention des Américains de ses propres difficultés de gestion de la crise sanitaire, l’administration Trump fait feu de tout bois et déterre certains griefs qu’elle a longtemps mis en veilleuse.
Il en est ainsi du sort des musulmans ouïghours, de la défense de la démocratie à Hong Kong, de l’expansionnisme militaire en mer de Chine méridionale et des accusations d’espionnage industriel.
En somme, aussi bien Pékin que Washington cherchent à minimiser leurs propres erreurs et à renforcer leur position. En particulier, « au fur et à mesure que la crise s’accroît aux États-Unis et qu’elle semble se stabiliser en Chine, Pékin cherche à en tirer parti », a estimé un spécialiste des relations entre les deux pays.
Bonjour la guerre froide ?
Fiers de ce qu’ils présentent comme une victoire sur l’épidémie du coronavirus Covid-19, les dirigeants chinois mettent en branle une diplomatie dite « du virus » qui consiste à proposer leur aide aux pays qui en ont besoin. Des masques, des médicaments et du matériel sanitaire sont livrés à de nombreux pays comme l’Italie, l’Iran et de nombreux pays africains dont l’Algérie.
Pour sa part, le président américain, en quête d’une réélection à la Maison Blanche le mois de novembre prochain, pense qu’en pointant du doigt le manque de transparence de la Chine, il détournerait l’attention de sa gestion calamiteuse de la crise sanitaire.
A ce sujet, des spécialistes évoquent une « soft war », c’est-à-dire « une guerre douce » entre un empire chinois décomplexé et un géant américain qui s’enferme sur lui-même et qui perd du terrain. « On est dans une lutte de leadership, ni plus ni moins, et dans un combat d’image à l’échelle internationale », affirme-t-on.
Il n’empêche que la question qui brûle les lèvres consiste à savoir si la guerre des mots et la polémique qui pourrissent les relations entre les deux puissances peut dégénérer en guerre froide. Dans les milieux favorables au présidents américain Donald Trump, on y croit dur comme fer.
Si un tel scenario devait se confirmer, il va de soi qu’il s’agirait d’une guerre froide bien plus dure et complexe que celle qui a opposé les États-Unis à l’Union soviétique dans le passé. Alors que l’Union soviétique et les États-Unis n’avaient presque pas de relations, la Chine et les États-Unis sont, au contraire, interdépendants. Les effets en seraient imprévisibles non seulement sur les deux protagonistes mais aussi sur le monde entier.
M.A. Boumendil