Fatiha Benabbou: «Le projet de révision de la Constitution est en déphasage avec la réalité politique de l’Algérie»
La constitutionnaliste Fatiha Benabbou, ancienne membre du panel de Karim Younès, livre son évaluation du contenu du projet de révision de la Constitution. «Elle est en déphasage avec la réalité politique de l’Algérie», estime-t-elle.
Dans un entretien accordé au quotidien El Watan, Fatiha Benabbou a relevé plusieurs problèmes relatifs au contenu du projet de révision de la Constitution. Il s’agit, en somme, d’une critique acerbe du travail accompli par le comité d’expert chargé de la révision de la Constitution.
Il s’agit d’«une Constitution en déphasage avec la réalité politique de l’Algérie», a-t-elle estimé. Elle a évoqué un texte « obèse ». Un qualificatif utilisé pour illustrer un texte bourré de dispositions d’ordre législatif ou réglementaire, qui n’ont, à son sens, pas leur place dans une loi fondamentale.
Mme Benabou s’est surtout focalisée sur trois articles du projet de révision de la Constitution. Il s’agit notamment de l’article 103 stipulant que «Le gouvernement est dirigé par un Premier ministre lorsqu’il résulte des élections législatives une majorité présidentielle et il est dirigé par un chef du gouvernement lorsqu’il résulte des élections législatives une majorité parlementaire.»
Selon elle, cela ne répond pas à la réalité de la politique algérienne. Et d’ajouter: «Dans la théorie constitutionnelle, il n’existe pas de différence entre Premier ministre et chef du gouvernement (…)».
Elle a fortement insisté sur le fait que « (…) la notion de majorité n’a pas sa place dans une Constitution. Une majorité est un fait politique, et non pas une institution qui se décrète et qu’on trouve dans une Constitution (…).
L’autre article qui pose, selon elle, problème est l’article 110. Celui-ci stipule que «Si le chef du gouvernement, ainsi désigné, ne parvient pas à former son gouvernement dans un délai de 30 jours, le président de la République désigne un nouveau chef du gouvernement et le charge de former un gouvernement». Il s’agit selon elle d’une extrapolation du droit prospectif. Ce serait une inspiration, voire un emprunt de l’une des dispositions de la constitution tunisienne prévue pour des situations de crise propres au système tunisien.
L’article 130 a également été pointé du doigt. Ce dernier stipule que «le membre du Parlement peut faire l’objet de poursuites judiciaires pour les actes ne se rattachant pas à l’exercice de ses fonctions parlementaires après renonciation expresse de l’intéressé à son immunité. En cas de non-renonciation, les autorités de saisine peuvent saisir la Cour constitutionnelle aux fins de se prononcer, par décision, sur la possibilité ou pas de la levée de l’immunité». La constitutionnaliste y voit une violation du principe de séparation des pouvoirs.
Mme Benabou a rappelé que la rédaction d’un texte d’une aussi haute importance se doit d’être confiée à des personnes connaissant parfaitement la réalité de la politique algérienne.
M. Mansour