Gestion de la crise sanitaire: des hauts, des bas et des leçons
Bon an mal an, l’Algérie fait face à la pandémie du nouveau coronavirus qui a provoqué une crise sanitaire mondiale sans précédent. La catastrophe que l’on pouvait craindre au regard de l’état peu reluisant de notre système de santé et des ravages causés par le virus dans plusieurs pays occidentaux n’a, fort heureusement, pas eu lieu. Pour autant, tout n’a pas été irréprochable dans la gestion de la situation.
S’il est une chose qu’il faut porter au crédit des pouvoirs publics, c’est sans doute celle d’avoir pris à temps la mesure du danger sanitaire que représentait le nouveau coronavirus et de la gravité de l’épidémie qu’il pouvait engendrer.
Certaines mesures, comme celle de la fermeture des établissements scolaires, universitaires et de formation professionnelle ont été salutaires parce que décidées relativement à temps.
A contrario, les tergiversations qui ont prévalu une semaine durant avant de décréter l’interdiction des prières collectives et la fermeture temporaire des lieux de culte auraient pu être à l’origine d’une propagation incontrôlable du virus.
La remarque vaut pour la fermeture tardive des lieux publics susceptible d’être des foyers potentiels de propagation du nouveau coronavirus comme les cafés, les restaurants, les salles des fêtes, les bains maures, etc. Ce fut le cas, également, pour les transports publics.
Confinement et distanciation sociale : oui, mais…
Exception faite de la wilaya de Blida soumise à l’isolement et au confinement intégral de la population, où l’on a pu relever des protestations dues à l’insuffisance des mesures d’accompagnement mises en œuvre pour la satisfaction des besoins essentiels des citoyens, le confinement partiel décrété partout ailleurs est plutôt bien accepté et respecté par la population en dépit des contraintes et des désagrément qu’il implique.
La fausse note vient de ce que les directives du gouvernement n’ont pas toujours brillé par leur clarté. Aussi ont-elles souvent donné lieu à des interprétations erronées, voire zélées, de certaines administrations locales, de sorte que les services publics et l’activité économique se sont quasiment arrêtés dans certains cas, rendant la situation intenable pour les citoyens.
Il a d’ailleurs fallu que le Premier ministre revienne à la charge pour expliciter certaines mesures et interpeller les autorités locales qui ont souvent mal interprété les directives gouvernementales.
Même le président de la République, dans sa directive concernant la prise en charge par l’Etat des salaires des 50% des personnels des entreprises mis au chômage temporaire avait omis, dans un premier temps, d’inclure les entreprises privées, provoquant l’ire de leurs représentants qui ont crié à la discrimination. Il a fallu qu’il corrige le tir dans une communication ultérieure.
De même, certaines mesures au profit des populations dont il convient de saluer l’esprit ont péché par l’absence de précisions concernant les conditions de leur mise en œuvre.
C’est le cas des distributions folkloriques de semoule où l’on a assisté à des bousculades, voire à des bagarres ; c’est le cas, également, de l’aide de 10 000 dinars décidée au profit des familles les plus vulnérables à l’occasion de l’approche du mois de ramadhan, qui a occasionné des regroupements anarchiques devant les sièges des APC.
Dans un cas comme dans l’autre, la règle de distanciation sociale a été mise à mal, réduisant à néant les résultats escomptés du confinement.
Une communication officielle à la peine
Sans préjuger de la volonté de transparence des autorités publiques dans la gestion de la crise sanitaire, force est de reconnaître que la communication officielle, qui en est le vecteur principal, n’a pas toujours été à la hauteur des exigences que requiert le contexte.
En effet, le ministre de la Communication, Porte-parole du gouvernement, Ammar Belhimeur, dont la communication est le métier, doit s’arracher les cheveux lorsqu’il écoute les interventions publiques de certains de ses collègues au gouvernement.
Les envolées lyriques d’un ministre du Commerce, chez qui le populisme est une seconde nature et qui confond souvent le rôle de ministre de la République avec celui d’un président d’association de défense des consommateurs, doivent lui valoir des cauchemars.
On peut citer aussi, entre autres, cette prestation du ministre de la Santé au cours de laquelle il tentait maladroitement de justifier un taux de mortalité dû à l’épidémie du nouveau coronavirus, jugé trop élevé.
L’explication, selon lui, viendrait de ce que les chiffres annoncés les premiers jours comptabilisaient des décès occasionnés par des maladies sans lien avec la pandémie ! Ce n’est assurément pas de nature à apporter de la crédibilité à la fiabilité de la comptabilité morbide officielle.
Tirer les leçons pour préparer le déconfinement
Tout comme d’autres pays, à l’instar de l’Allemagne qui a entamé aujourd’hui le processus de déconfinement, l’Algérie doit se préparer à son tour pour, le moment venu, s’engager dans le même voie.
Scientifiques et organisations internationales, à l’instar de l’Organisation mondiale de la santé, sont unanimes pour mettre en garde contre un déconfinement rapide et massif.
Le déconfinement se prépare et il ne peut être que progressif. De plus, il ne signifie pas l’abandon des mesures de protection et des gestes barrière en vigueur durant la période de confinement. Une communication claire et convaincante devra alors être de rigueur.
On peut trouver des circonstances atténuantes quant aux insuffisances relevées dans l’organisation de la lutte contre la pandémie étant donnés la nouveauté du phénomène et le manque d’informations concernant le virus qui en est responsable. Ce ne sera pas le cas lorsqu’il s’agira de planifier et d’encadrer le déconfinement car des leçons devront être tirées.
M.A. Boumendil