Journée du 8 mars : la femme, un enjeu politique au cœur du Hirak
Travestie, réduite pendant de longues années à une manifestation folklorique et de réjouissance dûment canalisée par une organisation satellite du FLN, la journée du 8 mars a fait sa mue l’année dernière lorsque, coïncidant avec le troisième vendredi du Hirak, elle a été marquée par des manifestations grandioses où des millions de femmes lui ont redonné son sens.
Elles étaient alors des millions à revendiquer leur droit à la citoyenneté et à l’égalité mais aussi, tout comme les hommes, à refuser un cinquième mandat de président à Bouteflika et à rejeter le système dans son ensemble. En cela, cette journée aura été historique.
Cette année, à l’approche de cette date symbolique, de nombreuses organisations de lutte pour les droits des femmes ont appelé à des marches pacifiques, partout dans le pays, le 8 mars prochain. « Le 8 mars 2020, les Algériennes marcheront encore une fois pour leurs droits, leur dignité, pour une égalité effective, contre toutes les violences faites aux femmes », écrivent les instigatrices de l’appel.
« Toutes dans la rue le 8 mars. Nous sommes une partie du peuple et nous demandons nos droits comme nous demandons le changement du système et l’instauration d’une démocratie réelle », ajoutent-elles, comme pour rappeler que les femmes sont partie prenante du Hirak et qu’elles ont toujours été massivement présentes depuis l’éclosion du mouvement, le 22 février 2019, en dépit de provocations et d’agressions enregistrées ici et là.
Le rendez-vous est important non seulement pour les femmes mais aussi pour le Hirak. En se mobilisant ce 8 mars auprès de leurs sœurs, les manifestants du Hirak donneront un signal fort concernant le contenu qu’ils comptent imprimer à l’Algérie nouvelle qu’ils réclament, sans faiblir, depuis plus d’un an. Ils indiqueront ainsi clairement que cette Algérie sera celle de la citoyenneté, moderne, ouverte, et sans discrimination.
Un tel signal ne serait pas superflu au moment où une certaine confusion, synonyme de malaise, fait son apparition et où des initiatives controversées de certains acteurs en vue du Hirak donnent lieu à interprétations. C’est d’autant plus vrai que le mouvement du 22 février a résisté efficacement à toutes les tentatives de sabordage et/ou de récupération partisane.
Le mouvement s’est prémuni de la récupération partisane en prenant ses distances, dès ses débuts et parfois de manière peu élégante, avec les leaders des partis politiques. Les tentatives de le détourner de son cours naturel ne cesseront pas pour autant, qu’elles viennent de forces hostiles à tout changement, encore très présentes au sein du pouvoir, ou de courants idéologiques identifiés.
L’inénarrable chef du MSP, Abderrazak Makri, en est presque une caricature. Ayant échoué dans toutes ses approches de récupération, il s’en prend au Hirak qu’il a récemment accusé, depuis la ville de Constantine, d’être infiltré par les Laïcs et les Francs-maçons « au service de La France », avant de décréter que le Hirak ne peut être guidé que par la Novembria-Badissia, un concept promu et porté par le courant islamo-conservateur. Ce faisant, il s’est pris en quelque sorte pour le guide spirituel du mouvement populaire. Mais, là aussi, le peuple de Constantine lui a apporté une réponse cinglante en lui rétorquant que le Hirak n’est pas religieux.
L’enjeu est donc double ce 8 mars 2020. Il s’agit, pour le Hirak, de réussir la plus grande mobilisation possible pour marquer clairement que le combat de la femme pour sa dignité est aussi le sien et, ce faisant, apporter la preuve que le mouvement populaire du 22 février est et demeurera autonome. Il confirmera ainsi, qu’il est au-dessus des idéologies, qu’il est porteur de valeurs et que ce sont ces mêmes valeurs qui le portent. C’est, sans aucun doute, l’une des meilleures protections contre les assauts et les attaques de toutes natures.
M.A. Boumendil