Larbi Ouanoughi, PDG de l’ANEP: «La gestion politique a ruiné l’entreprise»
Jamais depuis sa création, l’ANEP, l’agence chargée notamment de la gestion de la formidable manne publicitaire publique, n’a été dirigée avec autant de transparence et de détermination à mettre de l’ordre que sous l’actuel PDG, Larbi Ouanoughi. Il fait des révélations fracassantes sur les précédents exercices et donne des chiffres ahurissant sur la gabegie ayant marqué l’entreprise.
Dans un entretien accordé à nos confrères El Watan et à El Khabar, le PDG de l’anep, Larbi Ounoughi, a affirmé d’emblée que «l’ANEP a fait l’objet de monopole par des groupes d’influence au pouvoir qui ont fait main basse sur l’entreprise», ajoutant que «les services de l’ANEP étaient tellement dans une anarchie indescriptible qu’il est difficile de savoir ce qui s’y est passé.»
«Quand on a analysé la situation, on a trouvé que l’ANEP pouvait être tout sauf une entreprise. Cela ne veut pas dire, défend-il, qu’elle ne recèle pas de compétences jeunes ; elles étaient marginalisées», a-t-il indiqué. Et d’ajouter: «C’est la gestion politique qui l’a mise dans cet état, elle ressemble beaucoup plus à une association caritative qu’à une entreprise économique et commerciale soumise aux règles et aux normes du marché. »
Le constat de M. Ouanoughi est sans appel: «Nous avons hérité d’une situation catastrophique avec de profonds dysfonctionnements de gestion. L’ANEP est un géant aux pieds d’argile», assurant que «ses caisses sont vides». Et d’expliquer: «Le cumul de la mauvaise gestion a fait que l’argent de l’agence est à l’extérieur. »
Le PDG de l’ANEP a en outre révélé que les créances de l’entreprise s’élèvaient à plus de 4300 milliards de centimes. «Il est regrettable, a-t-il dit, qu’une aussi florissante entreprise ne soit pas dans une dynamique de croissance. La plupart des responsables qui ont défilé à la tête de l’ANEP n’ont travaillé que pour leur compte, leur clique et ceux qui les ont placés. C’est clair, net et précis», a-t-il assuré, avant de s’engager à nettoyer les écuries d’Augias.
Pour ce faire, il évoque quatre piliers sur lesquels s’appuie son action, qui n’est pour l’heure retardée que par l’épidémie de Covid-19, à savoir «la volonté, la protection de Dieu, un conseil d’administration très fort et le soutien indéfectible du président de la République qui lui avait demandé à sa nomination de faire vite et bien et sans arbitraire».
M. Ouanoughi a par ailleurs révélé que «plusieurs services enquêtent depuis plus de deux mois sur les malversations qui s’y sont déroulées : les services de la Gendarmerie nationale et l’Inspection générale des finances». Et d’ajouter: «Nous, de notre côté, indique-t-il,on a mis en place une commission d’enquête, un audit interne mené par des enfants de l’entreprise appuyés par des experts extérieurs».
«Les services de la gendarmerie m’ont surpris par leur connaissance du dossier et les informations qui sont en leur possession. Ce qui veut dire que même au temps de l’anarchie ils n’ont jamais cessé de travailler et gardaient les dossiers», a souligné le PDG de l’ANEP.
5000 milliards irrecouvrables
Selon M. Ouanoughi «près de 5000 autres milliards sont définitivement perdus parce que ce sont des créances anciennes, remontant aux années 90», indiquant avec amertume qu’elles étaient irrécouvrables pour avoir dépassé les délais de prescription, soit plus de 15 ans. «La régie publicitaire et recouvrement n’a pas fait son travail, autant dire qu’elle n’a pas du tout fonctionné», a-t-il expliqué, assurant que cette situation est due à des malversations.
Qualifiant «ces agissements graves», il a annoncé l’installation «d’une commission d’audit pour remonter l’histoire de bons de commande dont ne trouve aucune trace. »
«L’ANEP fonctionnait au téléphone», a lâché M. Ouanoughi, ajoutant que «toute cette anarchie a été prémédité», avant d’exprimer son scepticisme quant à la possibilité de recouvrer la totalité des créances, se contentant de l’espoir de récupérer une partie des plus récentes d’entre elles.
Tout en annonçant l’engagement d’un bureau d’études chargé d’étudier scrupuleusement la situation, il a indiqué que «des instructions seront données pour récupérer les créances qu’il est toujours possible de recouvrer. »
«Il y avait beaucoup d’argent durant les années de pillage», a répondu Larbi Ouanoughi à la question de savoir comment l’ANEP réussissait tout de même à équilibrer ses finances, assurant que «même les cadres n’ont pas bénéficié de cette aisance».
«Des responsables n’avaient pas de primes de responsables, et tout ce qui se faisait obéissait à la logique de l’allégeance aux directeurs, aux ministres et autres», a-t-dit, révélant au passage qu’à son arrivée plus de 40 journaux étaient édités sous des prête-noms et qu’en contradiction totale avec la loi, leurs propriétaires n’étaient pas issus de la profession.
M. Ouanoughi a conclu par cette terrible sentence: « l’ANEP est devenue, par les jeux d’influences, d’allégeances, de cupidité, de prédation, une vache à traire.»
Synthèse Samira Ben.