Municipales en France: une vague verte déferle sur l’Hexagone
Marquées par les effets de la crise sanitaire, les élections municipales, qui ont lieu hier, ont accouché d’une nouvelle configuration politique en France. En plus de sanctionner sévèrement la politique du président Macron et de marginaliser l’extrême-droite, elles ont permis une émergence historique des écologistes et une résurrection de la gauche.
L’abstention a atteint un niveau historique: près de 60 % des électeurs ont boudé ce second tour organisé plus de trois mois et demi après le premier, coronavirus oblige. Très vite après les premiers résultats, le président Emmanuel Macron s’est dit « préoccupé par le faible taux de participation » et Jean-Luc Mélenchon (gauche radicale) a qualifié cette élection de « grève civique ».
Mais au-delà de cette abstention d’un niveau inédit, c’est la « vague verte » qui retient l’attention.
Paris reste à gauche
Les écologistes vont notamment s’emparer de Lyon et de Marseille, les deux plus grandes villes de province françaises, et sont également donnés en tête, selon de premières estimations, à Bordeaux.
Et à Paris, leur alliée socialiste Anne Hidalgo a été confortablement réélue avec plus de 50 % des voix.
Les écologistes s’imposent dans ce scrutin comme la principale force de gauche en France, signe d’une recomposition politique qui s’opère, comme dans de nombreux autres pays d’Europe.
« Ce qui a gagné, c’est la volonté d’une écologie concrète, en action, qui propose des solutions sur les déplacements, le logement, l’alimentation », s’est réjoui Yannick Jadot, député européen et figure du mouvement écologiste français.
« L’enjeu aujourd’hui n’est pas de savoir qui des Verts ou des socialistes ont gagné. On a prouvé que rassemblés, on est capable de lever un espoir », a souligné Pierre Jouvet, porte-parole du PS.
Cette recomposition de la gauche derrière les écologistes intervient alors que le parti d’Emmanuel Macron, qui a bâti sa victoire au centre, est perçu par une partie de l’opinion comme menant une politique de droite.
L’extrême droite a de son côté remporté l’élection à Perpignan, ville catalane de plus de 100 000 habitants, avec la victoire de Louis Aliot, l’ex-compagnon de Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national (RN).
La droite « traditionnelle », Les Républicains (LR), a conservé la ville de Toulouse. Mais elle perd au profit des écologistes des fiefs comme Marseille ou Bordeaux.
Pour le parti présidentiel, la République en Marche (LREM), qui n’est en position de force dans aucune grande ville et ne bénéficie pas d’un profond ancrage local, c’est un revers.
La porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye a déploré « des scores extrêmement décevants », dus selon elle aux « divisions internes ».
Seule petite éclaircie, le premier ministre Edouard Philippe, qui n’avait pas endossé l’étiquette LREM, a facilement remporté l’élection dans sa ville portuaire du Havre, avec 59 % des voix.
Macron dans la tourmente
Reste maintenant à savoir quel sera l’impact de ce scrutin sur l’orientation des deux dernières années du quinquennat d’Emmanuel Macron, alors que des ministres verts sont en poste en Suède, en Finlande, en Autriche et que les verts sont en pleine ascension en Allemagne.
Devra-t-il donner des gages aux écologistes? Maintiendra-t-il à son poste son premier ministre, sorti renforcé de sa victoire au Havre?
Le président français, qui consulte à tout va, mais ne laisse rien filtrer de ses intentions, détient seul les clés d’un éventuel remaniement.
Il doit rencontrer Edouard Philippe lundi en tête-à-tête pour évoquer les suites à donner à ce scrutin.
Emmanuel Macron avait laissé entendre que la crise du coronavirus allait changer profondément les choses et avait dit qu’il lui fallait « se réinventer ».
Il devra trouver un délicat équilibre entre la volonté de l’aile gauche de son parti d’introduire une inflexion écologique sans pour autant abandonner les choix libéraux des débuts.
Ces dernières semaines, plusieurs défections de députés ont fait perdre à LREM la majorité absolue à l’Assemblée nationale.
Probablement soucieux d’évacuer au plus vite cet encombrant scrutin, Emmanuel Macron a d’ores et déjà prévu de s’exprimer lundi.
Il donnera ses premières réponses aux propositions formulées par la Convention citoyenne sur le climat, une assemblée de 150 citoyens tirés au sort pour redonner des couleurs à la démocratie directe dans le pays.
Marqué par l’abstention, ce scrutin restera aussi comme celui du coronavirus.
Après un premier tour organisé au moment où l’épidémie déferlait sur la France, de nombreuses précautions ont été prises pour ce second tour.
Masque obligatoire, gel hydroalcoolique et distanciation physique étaient de mise pour les opérations de vote, mais les images tournées dimanche dans diverses villes montraient que les gens ne portaient que très peu de masques.
La France, durement frappée par le nouveau coronavirus, a enregistré plus de 29 750 décès depuis le début de l’épidémie de Covid-19.
A.I./Agences