Origine du coronavirus: la polémique fait rage
La polémique sur l’origine artificielle supposée du nouveau coronavirus a commencé entre la Chine et les Etats-Unis qui se sont accusés mutuellement d’avoir « fabriqué » l’agent pathogène. Après s’être estompée un moment, elle repart de plus belle et prend de l’ampleur. D’autres capitales occidentales emboîtent le pas à Washington, des scientifiques de haut niveau comme le Prix Nobel de médecine Luc Montagnier s’impliquent, et les médias s’emparent de plus en plus du sujet.
Le professeur français Luc Montagnier, Prix Nobel en 2008 pour ses travaux sur le virus responsable du Sida (VIH), a jeté un pavé dans la mare ce jeudi 16 avril, en expliquant pour le site « Pourquoi docteur » les raisons pour lesquelles il croit que le coronavirus SRAS CoV-2 a été créé dans un laboratoire de Wuhan, en Chine.
Le professeur est convaincu que toute la vérité n’a pas été dite et que le nouveau coronavirus a été créé avec de l’ADN de VIH. «Le laboratoire de Wuhan s’est spécialisé sur ce type de virus depuis le début des années 2000. Ils ont une expertise dans ce domaine», a-t-il souligné.
Une fake news scientifique ?
Invité hier sur la chaîne américaine CNews, le virologue français a récidivé, évoquant une «manipulation» à propos du virus. Si la séquence principale du génome du SRAS CoV-2 contient en effet des «éléments classiques» venant en particulier de la chauve-souris, il contiendrait aussi des éléments du VIH, ce qui n’est pas «naturel», selon lui.
Le professeur Montanier se réfère à une étude de chercheurs indiens publiée le 30 janvier dernier sur le site bioxiv.org et retirée le 2 février pour n’en laisser qu’un résumé. Les chercheurs indiens affirmaient que la similitude entre les résidus d’acides aminés du VIH et ceux du nouveau coronavirus était «peu susceptible d’être fortuite».
Cette conclusion a été vivement critiquée par la communauté scientifique. «Des milliers de mutations sont réparties dans le génome. Si vous concevez quelque chose, vous ne feriez pas ça. Il n’y a aucune preuve de génie génétique, cela ressemble à une évolution normale», a notamment déclaré un éminent virologue auprès de l’Association américaine pour l’avancement de la science.
Le professeur Luc Montagnier est un habitué des controverses. En 2009, ses théories sur la transmission du VIH étaient largement critiquées, notamment lorsqu’il affirmait qu’un bon système immunitaire pouvait « se débarrasser du virus en quelques semaines » ; en 2017, cent académiciens des sciences se sont élevés contre lui pour avoir affirmé que les vaccins sont inutiles, et ont demandé des sanctions de la part de l’Ordre des médecins.
Haro sur la Chine !
La déclaration choc du professeur controversé vient opportunément alimenter une polémique similaire qui déchire les milieux politiques et diplomatiques et oppose, en particulier, Washington, Londres et Paris, d’une part, et Pékin, d’autre part.
Ainsi, le président français Emmanuel Macron a appelé, dans une interview au Financial Times publiée jeudi 16 avril, à ne pas faire preuve de « naïveté » concernant la gestion chinoise de la pandémie du nouveau coronavirus.
« N’ayons pas une espèce de naïveté qui consiste à dire que (la gestion chinoise de l’épidémie, NDLR ), c’est beaucoup plus fort. On ne sait pas. Et même, il y a manifestement des choses qui se sont passées qu’on ne sait pas », a-t-il déclaré.
Concernant l’origine artificielle supposée du nouveau coronavirus, Paris reste prudente, surtout que le laboratoire de Wuhan mis en accusation a été réalisé grâce à la collaboration technique et scientifique de la France.
«Il n’existe à ce jour aucun élément factuel permettant de corroborer les informations qui ont récemment circulé dans la presse états-unienne établissant un lien entre l’origine du Covid-19 et les travaux du laboratoire P4 de Wuhan en Chine», a annoncé une source élyséenne à l’agence Reuters, à ce sujet.
Les réserves du chef de l’État français sur la gestion de la crise par Pékin emboîtent le pas aux doutes exprimés par Le Royaume-Uni et les Etats-Unis.
Londres a, en effet, averti la Chine ce jeudi qu’elle devrait répondre à des « questions difficiles sur l’apparition du virus et pourquoi il n’a pas été stoppé plus tôt ».
Les médias s’en mêlent…
Les Etats-Unis ont à plusieurs reprises accusé Pékin d’avoir dissimulé l’ampleur et la portée de l’épidémie, d’avoir sous-évalué son bilan et de n’avoir pas dit la vérité sur l’origine du virus. Le Président américain a plusieurs fois appelé le SARS-CoV-2 «virus chinois», tandis que Pékin a supposé que le virus avait été fabriqué et introduit en Chine par l’armée américaine.
Au plan médiatique, les chaînes américaines de télévision Fox News et CNN ont rapporté en début du mois d’avril que le virus aurait pu provenir d’un laboratoire de biosécurité de Wuhan, se référant à des sources anonymes au sein du gouvernement américain.
Face au feu nourri de la presse et des capitales occidentales, la Chine a riposté hier. « Il n’y a jamais eu aucune dissimulation et nous n’autoriserons jamais aucune dissimulation », a déclaré à la presse un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, prenant à témoin l’OMS, précisément accusée de complicité avec Pékin par Donald Trump.
La Russie est également intervenue jeudi soir, pour prendre la défense de Pékin. Le président russe Vladimir Poutine a qualifié de « contre-productives » les accusation visant les autorités chinoises.
M.A. Boumendil