Partis politiques : de l’autoglorification de Makri (MSP) à l’autoflagellation de Mihoubi (RND)
Depuis l’avènement du Hirak, discrédités, considérés au mieux comme des supplétifs passifs du système, les partis politiques sont quasiment réduits au silence. Et, lorsqu’ils s’expriment, leur voix ne porte pas. En prévision d’élections législatives envisageables d’ici à une année environ, ces partis tentent de se repositionner ou, tout au moins, de se façonner une nouvelle image. C’était le cas, cette semaine, du MSP et du RND à travers des interventions de leurs premiers responsables respectifs.
Les deux responsables ont eu à s’exprimer devant les militants de leurs partis, dans le cadre d’activités internes. Si le chef du MSP, Abderrazak Makri, a opté pour la stratégie de l’autoglorification quitte à prendre des libertés avec la vérité et l’histoire, l’intérimaire à la tête du RND, Azzedine Mihoubi a choisi, lui, de jouer la contrition en reconnaissant, au besoin, les errements passés et en promettant de se dévouer au peuple à l’avenir.
Petits mensonges entre amis
C’est devant les cadres et militants, réunis hier, samedi, dans le cadre d’un séminaire régional des structures du parti qu’Abderrazak Makri a soutenu, sans ciller, que le MSP avait combattu le système «avant le Hirak populaire», tentant ainsi de s’en adjuger la paternité.
La preuve ? « Il y a des personnalités proches du pouvoir qui ont soutenu dans les chambres noires et les salons que les manifestations du 22 février ont été provoquées par les discours d’Abderrazak Makri et d’autres acteurs politiques », a-t-il asséné.
Non seulement le chef du MSP prend des libertés avec la réalité, mais il occulte superbement ses actes passés qui contredisent frontalement ses propos. Entre autres, depuis l’élection de Tebboune à la présidence de la République, le Hirak est devenu sa tête de Turc.
Mieux que cela : qui ne se souvient de la proximité du patron du MSP avec le frère du président déchu, Saïd, auquel il a tenté de « vendre » des recettes pour sauver le système Bouteflika tout en épargnant au locataire d’El Mouradia les contraintes d’une élection pour un cinquième mandat ? L’une de ces recettes consistait à offrir à Bouteflika une rallonge de mandat dont on imagine assez les conséquences sur l’avenir du pays.
Tout récemment encore, en quittant le bureau présidentiel où il avait été reçu par M. Tebboune, il n’a pas tari d’éloges pour ce dernier, assurant qu’il y avait une parfaite identité de vues entre eux. Cela ne l’a pas empêché, une poignée de jours plus tard, de donner instruction aux députés de ne pas voter le plan d’action du gouvernement censé mettre en œuvre le programme du président.
Mais, ce qui apparaît comme une contradiction aux yeux du commun des mortels ne l’est pas au MSP. Il ne s’agit que de la perpétuation d’une tradition propre aux chefs de ce parti qui ont, de tout temps, le don d’ubiquité et qui réussissent cette improbable prouesse d’être à la fois avec le pouvoir et contre lui.
RND : la boussole détraquée ?
Pour sa part, le secrétaire général par intérim du RND, Azzedine Mihoubi, a saisi l’occasion
du 23eme anniversaire de la création du parti pour évoquer le Hirak et l’avenir immédiat dans une langue de bois comme on n’en entend presque plus.
Ainsi, il concède que l’Algérie vit « un changement radical » grâce au Hirak qui a donné de « nouveaux concepts à l’action démocratique », notamment en exigeant l’application des articles 7 et 8 de la Constitution.
Après avoir prétendu que son parti s’était « spontanément » positionné en faveur des revendications du mouvement populaire, puis salué l’Armée nationale et son commandement qui ont protégé l’Etat et, a assuré « le climat à même de concrétiser tous les objectifs, politiques et institutionnels, du Hirak », le chef du RND par intérim a salué les décisions du nouveau président de la République, qui tendent toutes au « recouvrement de la confiance perdue en raison de la dégradation de la vie politique depuis des années ».
Bien sûr, il prendra grand soin de ne pas désigner les responsables de la dégradation de la vie politique et de la perte de confiance, puisqu’il sait que son parti y occupe une place privilégiée. Mais, en assurant que le RND avait été remis sur « la bonne voie », celle qui vise l’interaction directe avec le peuple, il reconnaît implicitement les graves dérives du passé et s’adonne, presque, à une séance publique d’autoflagellation.
Evoquant, enfin, le congrès extraordinaire du parti, prévu les 18 et 19 mars prochain, il a affirmé qu’il sera l’occasion pour trancher dans la distance à prendre par le RND vis-à-vis des instances, institutions et partis.
S’agit-il d’un message au président Tebboune qui semble gêné aux entournures par le soutien encombrant et bruyant des partis de l’ex-alliance présidentielle, dont le RND ? Le parti présidé par Ouyahia de longues années durant pourrait-il franchir le pas de renoncer à sa raison d’être qui consiste à évoluer dans les rouages du pouvoir ? Rien ne permet de l’indiquer, mais une chose s’impose à l’esprit : la boussole RND semble s’être détraquée.
M.A. Boumendil