Portrait: Allaoua Zerrouki, le rossignol aux ailes brûlées Par Rachid Oulebsir
Allaoua Zerrouki, l’artiste patriote vendait ses biens propres et ses terres en Kabylie pour aider la révolution algérienne, à laquelle il donna sa jeunesse, ses mélodies et ses hymnes magiques. Mort en exil, sa dépouille a été incinérée parce que personne ne lui avait payé une tombe éternelle. Triste sort pour celui qui a vendu les terres de ses ancêtres pour financer l’achat d’armes pour l’Armée de libération nationale. Où étaient les autorités algériennes, où étaient les personnalités kabyles, où étaient les artistes algériens quand la dépouille de l’artiste fut incinérée par une mécanique déshumanisée ?
Le jardin des mauvais souvenirs
Durant l’hiver 2012, la chanteuse Malika Domrane se rendit dans le cimetière de Thiais, près d’Orly en banlieue parisienne pour se recueillir sur la tombe de l’élégant rossignol Allaoua Zerrouki. Sur les lieux, les responsables du cimetière l’informèrent que la tombe de l’artiste n’existait plus, la dépouille avait été incinérée et ses cendres éparpillées dans « Le Jardin des Souvenirs ». Malika Domrane, la sensible artiste, s’effondre sous le couperet de cette mauvaise nouvelle. ‘’C’est le jardin de mon mauvais souvenir ! Comment on est on arrivé là ? Pourquoi ?’’ Elle répondit à cette question dans un article qu’elle diffusa sur un réseau social : ‘’ En 2002 le corps de l’artiste a été exhumé pour être incinéré, les cendres disséminées dans le jardin des souvenirs… Parce que, d’après les informations qui me sont données personne n’a payé la concession pour une sépulture à vie (environ 3500 Euros).’’ En colère l’artiste fulmine : ‘’Comment n’a-t-on pas pu payer cette maudite somme ? Monsieur Zerrouki ne méritait-il pas une tombe éternelle comme tout le monde en tant qu’être humain ? … je suis outrée! … j’en veux à tous ceux qui savaient et qui n’avaient rien dit, … rien fait, pour éviter d’en arriver à ce point : J’en ai honte. »
Triste sort pour celui qui a vendu les terres de ses ancêtres pour financer l’achat d’armes pour l’armée de libération nationale. Où étaient les autorités algériennes, où étaient les personnalités kabyles, où étaient les artistes algériens quand la dépouille de l’artiste fut incinérée par une mécanique déshumanisée?
L’artiste des ruptures vitales
Allaoua Zerrouki l’artiste des ruptures vitales, rejeta la religion pour épouser l’art, dépassa la musique andalouse pour le genre moderne, rompit avec les traditions pour suivre l’amour libérateur. Oiseau migrateur au chant envoutant, le jeune Allaoua, fils d’Imam, prédestiné à l’ablution et à la psalmodie religieuse, atterrit à Paris où il devint, le plus élégant des artistes algériens par sa création musicale, sa voix inimitable, son genre et sa modernité.
Amalou, un petit bourg sans prétention de la rive droite de la Soummam, qui donna de grands artistes, femmes et hommes, a vu naitre le petit Allaoua un 5 juillet, date prémonitoire, de l’année 1915, dans la famille de l’Imam Seghir Zerrouki et de Azzoug Ouardia dans le petit hameau d’Akourma qui sauvegarde encore le vieux toponyme du village . C’était la première guerre mondiale et beaucoup de paysans de Kabylie, sujets français sous colonisation, étaient enrôlés comme chair à canon pour couvrir les soldats français et nourrir le front anti allemand. Beaucoup d’adultes de ce versant montagneux ne revinrent jamais de tranchées euro-péennes. Le père d’Allaoua, imam relevant de la Zaouia Rahmanya, échappa à cette déportation déguisée en enrôlement. Les enfants de l’époque vaquaient entre la mosquée où ils apprenaient les sourates, berceuses incompréhensibles et les champs où ils gambadaient derrière les troupeaux de biques et de moutons. L’école coloniale de Jules Ferry , dite ’’Ecole indigène’’ et l’école chrétienne des Pères blancs sise à Ighil Ali , furent interdites au petit Allaoua par son Imam de père encore dans l’esprit résilient de l’insur-rection de 1871 qui avait vu les colons français organiser la ruine de la Kabylie .
Guérir par la musique
L’enfant Allaoua Zerrouki, fréquentait la Zaouia Sidi Hand Ouyahia, jouant sur les routes et dans les oliveraies de sa flute de roseau. Il ne se doutait pas que son village allait donner des hommes de la trempe de Abderrahmane Farès président de l’exécutif national en 1962, de son fils l’écrivain Nabile Farès, de la première femme de radio Lla Ounissa ( Kadim Halima) qui animait ‘’Ourar Lkhalat’’ sous la direction de Lla Yamina (Arab Ferroudja) avec la bienveillance de Madame Lafarge institutrice française d’Akbou parlant Kabyle et de l’orchestre de Cheikh Nourredine dans les années 40 et 50. D’autres artistes comme l’acteur Rachid Farès et le réalisateur Toufik Fares, l’ecrivain Aziz Farès, sont issus de ce village accroché à la chaine des Bibans et faisant face au coucher du soleil comme l’indique son nom amazigh. Boudjemaâ Kadim, dit Bouhou, musicien non voyant, virtuose au mandole, était l’ami d’enfance d’Allaoua Zerrouki. Larbi Abdelwahab Aboudali dit Kamendja était un excellent violoniste et un virtuose de la snitra. C’était le premier maitre du jeune Allaoua. Il mourut au village dans un dénuement total, les musiciens étaient alors souvent bannis de la communauté par l’esprit religieux remontant à l’intégrisme d’Ibn Toumert. La contrée d’Amalou était également réputée au début du siècle pour ses femmes tambourinaires, musiciennes joueuses du Bendir. Les villageoises ont encore souvenance de deux femmes artistes, Tachaâlalt et Tajebarit, qui avaient le pouvoir de soigner par la transe musicale. Elles emportèrent avec elles le secret de leur art et de leur pouvoir magique.
Faire chanter les papillons
Comme tous les enfants de son âge, Allaoua fabriquait sa flute enchantée, une simple tige de roseau avec quelques trous, et il en jouait si bien que les brebis cessaient de brouter pour l’écouter et les oiseaux en étaient jaloux ! Il était déjà artiste et ses amis d’enfance lui reconnaissaient ce don qu’ils n’avaient pas, celui d’inventer des mélodies et les traduire en sonorités magiques. Comme la cantatrice Cherifa qui contait ses déboires d’orpheline aux plantes et aux animaux qu’elle gardait sur les collines, Allaoua Zerrouki, exerçait déjà sa voix de futur ténor entre les oliviers sur les coteaux d’Amalou qui moutonnaient à perte de vue. Cette vie pastorale en plein air aiguisera sa sensibilité et fera de lui le fils des oliviers, des papillons et des ruisseaux. Il grandira dans l’éducation collective villageoise sous la protection et la vigilance des cousins, des tantes et oncles. En son temps tout le village était une école et les adultes se chargeaient de l’éducation des enfants même quand ce ne sont pas les leurs. Les adolescents avaient pour habitude de veiller les soirées d’été à chanter et jouer des musiques locales. Leur lieu de rencontre était un promontoire rocheux sis à la frontière des villages Akourma et Tizi-Oukdem. La population qualifiait ces jeunes de ‘’Jnoun’’ (Démons), elle avait donné à leur lieu de rencontre le nom de «Azru n lejnun» « Le rocher des démons ». Allaoua grandissait et envoutait toutes les jeunes filles de la région par son physique d’éphèbe et sa flute enchantée d’où sortaient des sonorités qui faisaient danser les papillons. Sa génération était dans l’écologie réelle, celle des croyances païennes de ses ancêtres, cette culture où toutes les créatures, l’homme, les animaux, les plantes, les oiseaux, les insectes, les éléments de la nature, vent, eau, nuages, communiquaient entre elles par l’amour et l’affection, le respect et la protection mutuelle. Il s’imbiba de cette humeur naturelle, cette candeur qui fera de lui un être d’une sensibilité unique, un amoureux de la beauté ! Et il était beau le jeune homme. Amalou devint trop étroit pour Allaoua.
Adieu ma colline natale
Vers 15 ans, il rompit avec le milieu rural pour découvrir Akbou, le bourg colonial dominé par les colons alsaciens. Metz ! Oui, Akbou s’appelait jadis Metz ! Il ne tardera pas à rejoindre Bougie, la belle ville des corsaires méditerranéens, cité des arts et des lettres en avance sur la région dominée par la culture paysanne. Il s’y installera, exercera une multitude de petits métiers au port, dans les docks, dans la manutention, dans les souks. Il conclut que les métiers trop physiques abimaient l’homme et le vieillissaient avant terme. Il opta pour l’esthétique métier de coiffeur proche de l’art mettant en valeur la finesse et la dextérité manuelle, dans le quartier de Sidi Soufi, non sans arrière pensée. Il savait que dans cette ville les artistes, les musiciens, si nombreux fréquentaient des salons de coiffure et des cafés bien branchés pour l’époque. Il connaitra une pléiade d’artistes et de musiciens qui fréquentaient son petit salon, notamment les plus connus sur la place artistique de Bgayet marquée alors par l’école andalouse de Cheikh Saddek Abdjaoui. Larbi Abdelwahab , un natif de son village, lui fera découvrir et con-naitre les talents des musiciens chevronnés comme Boudjemaa Kadim , le vio-loniste non voyant ou encore Baali Mahmoud , avec lesquels il fit la découverte des orchestres et de la grande variété des instruments de musique , lui qui en était encore à la flute de roseau . Il passait des soirées à la création musicale, à l’écriture de chants, dans une atmosphère d’ivresse artistique. Il chantait sa propre poésie, ses propres mélodies. Il avait déjà un répertoire impressionnant de chants hérités sans doute des nombreux poètes-chansonniers de sa région, connue pour son patrimoine vocal féminin notamment. Il allait assidument à l’école andalouse de Cheikh Saddek Abdjaoui . Ce dernier, impressionné par son souffle et par sa voix au timbre aigu particulier, le suivra avec intérêt et lui donnera les premiers rudiments de technique de chant avant de l’orienter vers la variété moderne .
L’irrésistible appel de Paris
En 1942, en pleine guerre mondiale, il perdra son père qui sera suivi quelques mois après par sa mère. Allaoua n’avait plus aucune attache avec Amalou. La seconde guerre mondiale se termina pour les algériens par le bain de sang de Kherrata, le 8 mai 1945, qui marqua les âmes et les esprits. Toute l’année 1946 était vécue par la région de Kabylie, à l’instar de toute l’Algérie, par le retour des fronts européens des survivants de la guerre la plus meurtrière de l’humanité. Handicapés, malades, fous, mais aussi quelques héros de guerre décorés des médailles du courage et de bravoure alimentaient par leur présence l’actualité locale et donnaient par leurs récits de guerre et leurs aventures amoureuses avec les femmes européennes des envies aux jeunes de partir tenter leur chance sur ces terres froides mais pleines de chaleur humaine. Allaoua Zerrouki avait à peine 22 ans, mais il avait un physique d’adulte. En ce temps là les industriels de France recrutaient la main d’œuvre dans les marchés hebdomadaires. Allaoua sera retenu sur le marché d’Akbou que les colons alsaciens dénommaient Metz. Il prendra le bateau vers Marseille où de nombreux compatriotes travaillaient comme manu-tentionnaires, et dockers avec pour viatique des instruments de musique, sa flûte de roseau fétiche notamment. Il travaillera quelques semaines comme homme à tout faire dans les basses besognes de manutention, de nettoyage et autre taches qu’il ne supportait pas. En 1949, il s’installa à Lyon comme coiffeur, il rencontra une belle jeune française, poissonnière de profession. Très amoureux de cette blonde de type nordique, il l’épousera et remontera avec elle à Paris. Après le bref passage de Lyon, Il rejoindra la communauté algérienne de Paris où il s’occupa dans le tertiaire comme coiffeur avant de rejoindre le microcosme artistique algérien articulé autour du musicien Amraoui Missoum, et des chanteurs Elhasnaoui, et Sliman Azem entres autres. Il fit connaissance de nombreux artistes dont Lili Labassi, Mohamed El Kamel. La maison Pathé Marconi lui enregistra un premier disque en 1948 avec une chanson en arabe parlé d’Alger intitulée Ya Iahbab, lyoum kiffah (Amis, c’est le jour du combat) , un hymne à la patrie, et une autre en kabyle au titre baroque ‘’Tilifoun soni, soni’’ (Sonne téléphone sonne) et d’autres encore portant le thème classique de l’amertume de l’exil qui unissait la première génération de chanteurs en rupture avec le terroir natal : la séparation d’avec le bien-aimée, la nostalgie du pays, de son soleil et ses fruits et la rude expérience de l’exploitation des algériens dans les mines et les usines.
Sa femme, Nouara Azzoug, dans la Bataille d’Alger
En Janvier 1952, Allaoua Zerrouki demanda sa cousine Nouara en mariage, une femme d’une beauté légendaire. C’est la troisième demande mais le père de Nouara, Lhacène Azzoug, refusa malgré moult interventions de la famille. Marier sa fille à un chanteur, était impensable à l’époque ! Ce fut le Caïd Benali Cherif qui lui força la main le menaçant de déportation vers Cayenne lui disant ‘’ Tu commettras un péché en refusant l’union du plus beau couple de la Soummam’’. Nouara avait fait des études à l’école française d’Akbou et obtenu un certificat de fin d’études primaires. Ce fut un mariage sans célébration ni fête, ni youyou, ni invités. Seghir le premier enfant naquit un an après. A la fin de l’année 1953, Allaoua emmena sa petite famille en France. Sur place, Nouara découvrit l’existence de la première épouse française. Elle demanda de retourner chez ses parents en Kabylie et obtint le divorce. Allaoua retourna en France avec son fils. En 1955 Allaoua revient au pays, redemande Nouara de nouveau en mariage, elle l’accepte, mais l’union ne durera pas. C’était toujours l’orage. Enceinte, elle ne reverra plus Allaoua ni Seghir son fils que la marâtre française élèvera. Elle mit au monde sa fille Akila qui ne connaitra jamais son père. Détachée de tout lien conjugal réel, ayant perdu son amour, Nouara s’engagera en 1956 en tant qu’infirmière dans la lutte armée contre l’occupant. Elle survivra à la bataille d’Alger à laquelle elle participa les armes à la main et trouvera la mort en 1961 dans le maquis. La séparation meurtrit Allaoua. Nouara sera sa muse et sa source d’inspiration jusqu’à sa mort. Il enregistra dés 1954 plusieurs chansons pour exprimer les affres du déchirement, son amour et ses regrets : «Tabrat n taazizth», ( la lettre de l’aimée ) «Yugi ad yughal»( Il ne daigne revenir) , «Lbabur bu lahwachi», (Le bateau à voiles ) «Yaâcheq di lbal»,( Il sombre dans la danse).
Un chanteur en combat
Il a enregistré une trentaine de chansons dont certaines demeurent introuvables. Le monde artistique a retenu ses tournées en France, en Allemagne et en Belgique, mais également une grande tournée en Algérie en 1965 accom-pagné par l’orchestre de Cheikh Amraoui Missoum. Son répertoire est composé de trois types de chants. Les hymnes patriotiques, les chants d’amour et les chansons de nostalgie du pays. Sa période de production s’étale de 1948 à 1963 : Dés 1948, il enregistre « Lahbab lyoum Kifah , (mes amis ,c’est le jour de combat)Téléphone soni soni, (Sonne téléphone, sonne). En 1954 Tabrat n taazizth, (la lettre de l’aimée) Lbabur Bu lahwachi, (le bateau à voiles) Yugi ad yughal (duo avec Bahia Farah), ( Il ne daigne revenir) Yaacheq di lbal, (amoureux du bal) Sidi Aich rrif wasif. (Sidi Aïch, le long de la rivière)
Surnommé ‘’ Le rossignol de la chanson Kabyle’’ par la maison Pathé Marconi, qualifié de ‘’Voix d’or’’ par le monde de la chanson algérienne de Paris, tout le monde s’accordait à dire que sa voix est unique et qu’il doit sa célébrité à sa flexibilité et à sa grande maîtrise des techniques du chant. « À l’écouter, on n’a pas besoin de le comprendre. On se délecte. Zerrouki était l’un des meilleurs représentants de la chanson kabyle par la voix et l’introduction de nouveaux instruments. Il était en avance sur son temps », écrivit Rachid Mokhtari dans son livre consacré aux deux poètes chansonniers Slimane Azem et Zerrouki Allaoua et leurs rapports à la poésie anticoloniale de Si Mohand Ou Mhand.
Entre l’amour et la révolution
Dés 1955, Allaoua mettra sa voix au service de la révolution algérienne. Il chantera une dizaine d’hymnes porteuses d’appels à la résistance, à l’engagement, à la lutte contre l’occupant. Il naviguait entre l’amour et la révolution. Militant engagé pour l’indépendance de l’Algérie, Allaoua Zerrouki, fera de son café-bar une cellule du FLN, et il animera des galas où les recettes étaient versées à la fédération de France du FLN. En 1959 en pleine guerre de libération Allaoua Zerrouki se produisit à Alger avec des chants patriotiques à la salle Pierre Bordes (actuelle Ibn Khaldoun) . La soirée fut filmée par une équipe de l’ORTF. On ne retrouve malheureusement plus trace de l’archive. Ces chants étaient d’une beauté irrésistible. Mettant les mots sur les blessures, il stigmatisait la colonisation et déconstruisait l’aliénation coloniale. Il empruntera de nombreux poèmes à Si Mohand Ou Mhand, dont il se revendiquait. En 1956 il chantera ‘’Rebbi lfedhel ik mouqar’’, (Dieu grande est ta gloire ) A yafrux a mmis n lher.( Oiseau fils de haute lignée) En 1959 : lewjab n was-a, ( la réponse de ce jour)Ya rebb lahnin, ( Mon Dieu, ma tendresse) A yagelid moulana, ( Dieu notre protecteur) Sellah igawawen ( Saint tutélaires du Djurdjura) A rray iw ” (Ah mes mauvaises décisions). Il reprend le chant après l’indépendance en 1963 , il chantera A tasekurth, ( Ma perdrix) Laalam n lzayer it refrif» ,( L’étendard de la liberté) .De très nombreuses autres chansons seront le corps de son patrimoine Yemma Yemma,( Ô ma mère ) A yaaziz atas ik rjigh ( Chéri ,je t’ai tant attendu ), A ta wul iw, (mon cœur se fissure)Ad seligh fella-k anbi, (Je prie pour toi prophète) lhaf nettouth, (J’ai oublié le voile blanc) Txilek a ttir,( Je te pris beau volatile ) Ulac win an chegaa. (J’ai n’ai pas de messager)
Il vendait ses biens pour financer la guerre d’indépendance
‘’Amjah’’, l’égaré, tel est le concept Kabyle qui qualifie celui qui ne connait pas ses intérêts et qui vend par exemple les terres des ancêtres, où qui oublie son village, sa famille et les siens. Celui qui travaille dans les pays d’exil pour les filles de joie oubliant de ramener les sous à la maison. Allaoua Zerrouki avait longtemps été qualifié d’Amjah, artiste perdu dans ses rêves et ses fantasmes, par ceux et celles qui ne savaient pas l’engagement de cet artiste dans la révolution algérienne. Mais les tenants de cette vision réductrice de la grandeur de l’homme furent corrigés par l’histoire quand tout le monde avait su que Allaoua Zerrouki avait vendu tous ses biens et toutes ses terres pour financer l’effort de guerre du FLN, notamment dans la Fédération de France, considérée par Ali Haroun comme la 7ème wilaya combattante. Les historiens s’accordent tous à dire que le financement de la guerre menée par les algériens contre la colonisation française était en grande partie porté par l’émigration et Allaoua Zerrouki avait vendu les terres de ses parents pour venir en aide aux Moudjahidines . Quel sacrifice, quelle dignité ! Aujourd’hui, nul n’en parle plus. Ils étaient nombreux les artistes à l’instar de Farid Ali, et Allaoua Zerrouki qui s’étaient engagés corps et âme dans la culture anticoloniale sacrifiant leur carrière, leur famille, et leurs biens.
Parti vers Montpelier animer un gala avec le chanteur chaabi Dahmane El harrachi , il fut victime d’un grave accident de circulation . Il sera longuement hospitalisé mais succombera à ses blessures. Le 17 novembre 1968, Allaoua Zerrouki rendit l’âme à l’hôpital St André des Arts de Paris. Lors de son enterrement au cimetière parisien Père-Lachaise, il fut accompagné par ses proches, amis et admirateurs vivant en terre d’exil. La voix du rossignol s’est éteinte à jamais. Si ses chants, son nom ; sa silhouette élégante inoubliable sont dans toutes les mémoires et que beaucoup en tirent gloire en reprenant ses mélodies, ses poèmes et tentent d’imiter sa voix unique, sa mémoire n’a pas été honorée puisque sa dépouille a été incinérée à l’insu de tous et contre sa volonté pour une sordide histoire de quelques euros.