Portrait: Arezki Bouzid, le chanteur révolutionnaire Par Rachid Oulebsir
Arezki Bouzid, l’artiste chanteur compositeur des années de braise, vient de tirer sa révérence à l’âge de 84 ans ! Après un long parcours artistique au service de la lutte de libération algérienne, il n’a jamais baissé les bras, se consacrant à la formation de jeunes et à l’animation d’espaces de création culturelle. Il aimait dire : “L’art n’a pas de retraite. On peut composer à 20 ans comme on peut le faire à 100 ans !”
Une jeunesse entre deux Guerres
Mohand Arezki Bouzid est né à l’hiver de 1936, inscrit le 10 février à l’état civil d’El Kseur, dans l’arrondissement de Bougie, dépendant encore du département de Constantine ! Il fera son école primaire en plein seconde guerre mondiale avec son cortège de misère, de bons de ravitaillement, d’enrôlés qui ne revenaient pas du front européen, jusqu’à 1948. Comme tous les jeunes de sa génération, l’instrument immédiatement accessible dans le monde rural était la flûte. Mohand Arezki en jouera jusqu’à devenir un vrai amoureux de cet instrument synonyme d’évasion et de grand espace et de vie pastorale en haute liberté. L’enfant Mohand Arezki grandira dans le berceau des rythmes du bendir et de la flute des chorales familiales qui constituait l’essentiel du monde artistique de l’époque. Sa jeunesse s’écoulera entre la seconde guerre mondiale et la guerre d’indépendance algérienne.
A la sortie de l’adolescence, il était un véritable virtuose de la flûte et grattait la guitare, nouvel instrument à cordes en vogue dans les villes, dans les familles aisées et les petites écoles musicales de la colonisation. Mohand Arezki grattait les fils d’une guitare fabriquée avec un bidon et un manche en planche quand l’occasion lui était offerte, le vrai instrument n’était alors visible que dans les familles aisées. Après la seconde guerre mondiale, sa famille s’installera à Alger et pour lui, il y eut le lot de tous les jeunes indigènes de sa génération sous la férule de la colonisation française, il évoluera comme garçon de café, coursier, et enfin télégraphiste. Le monde du chant dans la vallée de la Soummam avait déjà ses maitres et ses idoles : Allaoua Zerrouki, Cherifa, Lla Yamina, El Djida, etc, de Radio Alger. C’était déjà sa première nostalgie.
Une carrière marquée par la guerre d’indépendance
Avec la guerre d’indépendance, il s’installera à Paris, où il connaitra le sort des immigrés, et le monde de frustration, d’exil et de nostalgie du pays. Il n’avait que vingt ans et la communauté algérienne en France était alors soudée par l’élan solidaire militant de libération nationale. Un noyau du FLN, l’orienta vers une formation professionnelle gratifiante et correspondant à son physique d’athlète. Il sortira du centre de formation professionnelle de Rouen avec le diplôme de peintre décorateur. Il travaillera dans de nombreux chantiers et chantera le soir dans les cafés. Remarqué par Farid Ali, il ne tardera pas à rejoindre l’orchestre de ce dernier. Composant ses propres musiques, il enregistre sa première chanson en 1958 ‘’ El ghorva Tuɛar’’ ! Son répertoire s’enrichit sans toutefois faire l’objet d’enregistrements. Il chante dans les cafés et les recettes allaient pour la caisse du FLN. Elément actif de la fédération de France du FLN, il sillonne la France dans les villes où la communauté immigrée était organisée pour le prendre en charge et lui permettre d’activer dans les cafés où se déroulait l’essentiel de l’activité politico-artistique.
Il chante ‘’Ahlil Win Injerev ara’’ et d’autres titres comme ‘’Inna-s’’ qui sera reprise par Akli Yahiaten et Oukil Amar
Investir dans la formation
Après l’indépendance, en 1962, il revint à Alger, où il fut recruté par la radio Chaine 2 pour animer des émissions liées au social et la vie au quotidien des Algériens. Il sera reconnu comme moudjahid de la Fédération de France du FLN et de la wilaya III historique de 1955 à 1962. A partir de cette arrière base qu’était la Chaine 2, il investit le champ culturel et artistique par la création de nombreux clubs culturels ouverts pour la jeunesse. D’illustres noms de la chanson se sont épanouis sous ses conseils et son orientation ! Il avait notamment pris sous son aile feu Kamel Messaoudi, le chanteur de Chaabi, et Boualem Chaker interprète de la variété Kabyle folklorique. Il sera directeur de la maison de la culture d’El Biar, en 1978. En 1994, on le retrouve éducateur à la maison de jeunes de Kouba. Il nous laissera une œuvre écrite autobiographique, “Mémoires d’un artiste, chanteur, moujahid : Récits de Résistance ’’, où il détaille son parcours et où il s’insurgera contre l’habituel oubli des artistes par les autorités du pays.